• Un drôle de pigeon!

    Extrait

     

    Chapitre vingt

    Une main de trop!



                Caroline vivait au coeur du quartier Limoilou dans un beau

    grand logement de six pièces et demie situé au deuxième étage

    d'un duplex. Le loyer était une vraie aubaine! Son propriétaire

    ne pesait jamais très fort sur le crayon des augmentations. Il

    tenait mordicus à conserver Caroline comme locataire.

    Pourquoi? Parce qu'elle était solvable, aimable, discrète,

    tranquille...

                Une sainte!

                Puisque Caroline était la seule occupante de son logement

    qui comptait quatre chambres à coucher, il n'y avait aucune

    objection à ce que Nathalie occupe l'une d'entre elles!

    Le tirage au sort de « ma petite vache a mal aux pattes »

    accorda la chambre orange à Nathalie. Elle accepta le choix

    offert par la générosité de Caroline en échappant un « merci»

    chargé de reconnaissance.

                La chambre était meublée avec un beau lit double antique

    en bois sculpté dont la tête touchait presque le plafond. Le lit

    régnait sur un royaume d'antiquités. La commode, la chaise

    berçante, les lampes, le pot de chambre, la courtepointe et le

    coffre dataient d'une époque lointaine d'un pan de l'histoire

    de la colonie française d'Amérique! Nathalie se sentit

    réconfortée par cette mise en scène d'autrefois. Il lui semblait

    que l'âme des personnes qui avaient usé ces meubles tentait

    de la consoler des adversités de sa misère humaine de la nuit

    dernière.

                Avant de cuisiner le souper, Caroline décida de téléphoner

    à Jonathan. L'initiative replaça le courage de Nathalie audessus

    de la barre du goût de vivre. En ces temps difficiles,

    elle avait un grand besoin de s'imprégner de la présence

    réconfortante de son grand frère. Depuis qu'elle était jeune,

    Jonathan avait toujours su la relever lorsque ses genoux

    touchaient le sol. Et aujourd'hui, il n'y avait pas que les genoux

    qui touchaient le sol...

                Caroline fut heureuse de constater qu'elle avait pigé le bon

    numéro en contactant Jonathan. Elle se rua immédiatement

    sur le clavier de son téléphone avant que le timide sourire de

    Nathalie s'envole en fumée.

                Un top sonore!

                Deux tops sonores!

                - Oui bonjour!

                C'était Benjamin qui se tenait au bout du fil. Le garçon

    adorait répondre au téléphone. C'était l'un de ses jeux

    préférés!

                - Bonjour mon beau Benjamin. C'est Caroline. Est-ce

    que tu peux me passer ton papa, s'il te plait?

                - Oui. Un instant. Papa, Caroline veut te parler! annonça

                Benjamin en échappant le combiné. Le vacarme choqua

    l'oreille de Caroline, mais elle pardonna la faute vénielle du

    débutant. Benjamin était si mignon, elle acceptait volontiers

    de subir toutes les souffrances du monde qui pouvaient être

    administrées par les gaucheries du gamin.

                Jonathan reprit le combiné.

                Caroline expliqua que Nathalie s'était évanouie au travail,

    qu'elle refusait de revoir Léopold et qu'elle était réfugiée chez

    elle.

                - J'arrive! Avait répondu Jonathan en terminant avec un

    « Salut! À tantôt! » à peine perceptible à l'oreille moyenne

    du commun des mortels puisqu'il avait raccroché le combiné

    avec trop d'empressement.

                Caroline eut droit au premier véritable sourire capable

    d'ensoleiller le visage délabré de Nathalie.

                « Bon, se dit-elle, puisque le moral de l'éclopée est à la

    hausse, passons maintenant aux autres choses sérieuses : le

    contenu du souper.»

                Nathalie étala des réticences face à la proposition d'une

    salade bourrée des rires de Léopold ou d'une omelette qui la

    ramenait à ses soupers en solitaire entre les quatre murs d'une

    cuisine!

                Un grill cheese, des chips, des cornichons à l'aneth tranchés

    et une salade de choux!

                Un peu exotique au goût de Nathalie, mais le mélange

    culinaire hors de l'ordinaire favorisait un dépaysement qui,

    dans le fond, était nécessaire à l'extraction du venin de la

    morsure de Léopold.

                C'est parti!

                Nathalie prépara les assiettes en tranchant les concombres,

    pas ses doigts, et en plaçant la salade de choux, pas son coeur

    en compote. Caroline débarqua les sandwichs au fromage au

    fond de la casserole.

                Toc! Toc! Et toc!

                Le poing qui se fracassa contre la porte du logement stoppa

    la cadence des cuisinières.

    Nathalie s'empressa d'aller répondre, nourrie par la vigueur

    de la certitude de tomber sur son frère. Par précaution, ou par

    intuition, elle garda la chaîne accrochée à la porte afin de

    conserver la maîtrise du déploiement complet de son

    ouverture.

                Sage décision!

                - Nathalie, c'est toi? lança une voix empesée de bonnes

    intentions.

                Sainte misère conçue du péché mortel!

                C'était Léopold!!

                Le mécréant des vauriens! Comment osait-il la relancer

    jusqu'ici? Il avait le culot d'une sangsue mal élevée prête à

    sucer une victime qu'elle a déjà vidée de son sang! Nathalie

    recula de deux ou trois mètres et elle figea net comme une

    momie bien emmitouflée de ses bandelettes!

                - Comment as-tu deviné que j'étais ici? s'offusqua

    Nathalie, insultée de s'être fait chaparder l'anonymat de sa

    cachette!

                - Mon hirondelle d'amour, tu aimes tellement que

    Caroline te mène par le bout du nez que je savais que je te

    retrouverais ici, avoua candidement Léopold en insistant sur

    le volet court et touchant de ses fouilles.

                - Va-t-en! Je ne veux plus te revoir! insista Nathalie en

    espérant avoir prononcé la formule magique capable de faire

    disparaître Léopold et le cauchemar qu'il incarnait!

                - Tu ne peux pas mettre une croix sur notre relation à

    cause d'une petite querelle d'amoureux, insista Léopold avec

    une voix chaude franchement charmante.

                Le fumier! Il en avait du toupet! Comment osait-il comparer

    un viol à une simple dispute d'amoureux? Nathalie en resta

    tellement estomaquée qu'elle fut incapable d'aligner la

    moindre phrase pour s'objecter contre une telle énormité.

                - Mon hirondelle d'amour. Pardonne-moi de t'avoir brassé

    un peu trop fort. Effaçons le passé et tournons-nous vers

    l'avenir. Je te promets que je ne recommencerai plus jamais.

    Je t'aime et je ne veux pas te perdre. Je t'en supplie, ouvremoi

    la porte, implora Léopold en poussant au maximum la

    séduction de la chaleur de sa voix.

                Le sketch du coupable qui fait pitié laissa Nathalie de

    marbre. Elle avait assez succombé à la contrition des

    promesses rapaces de Léopold. Chaque repentir s'était

    toujours avéré de courte durée, laissant toujours revenir au

    galop un autre épisode de violence savamment orchestré qui,

    à chaque fois, molestait une peu plus la fierté physique et

    mentale de Nathalie. C'était fini. Elle avait assez donné!

    Léopold avait dépassé la capacité de la compassion de son

    coeur de mère Térésa! La croyance au miracle de l'amour

    qui pouvait le transformer en bon gars était terminée. Nathalie

    avait assez attenté à sa vie. D'ailleurs, son cancer des poumons

    n'était-il pas le signe d'une réponse à cette énergie inutile

    misée sur un cheval qui s'entêtait à courir dans la mauvaise

    direction?

                - Va-t-en! C'est terminé entre nous deux!

    Léopold gratta la porte comme un petit chat ayant fini sa

    sortie du pipi du matin.

                - Mon hirondelle d'amour. Tu ne peux pas me quitter. Tu

    m'aimes encore. Allez! Sois gentille! Ouvre-moi la porte.

    La douceur de la voix de Léopold n'avait jamais été aussi

    sublime.

                - Va-t-en, répéta Nathalie en parvenant toujours à résister

    à la tendresse empoisonnée de la main qui flattait la porte.

                - Allez, mon hirondelle d'amour. Ouvre-moi la porte...

                - Non, je ne veux plus vivre avec toi! Va-t-en!

                La volonté de Nathalie de se séparer de Léopold noua sa

    gorge. On aura beau dire, mais on ne sort pas le béguin pour

    un homme du coeur d'une femme si facilement. Léopold

    l'attirait toujours. Sans la porte qui s'interposait entre eux

    deux, Nathalie aurait probablement fini par se réfugier derrière

    la forteresse étouffante des bras de Léopold mais il ne fallait

    pas, ne fallait plus!

                - Si tu me quittes, je vais me suicider, rouspéta Léopold

    en parvenant à emprunter un ton qui donnait l'impression qu'il

    était sincère. Ce n'était qu'un jeu pour récupérer son hirondelle

    d'amour et continuer à la manipuler à sa guise. Ah! Nathalie!

    Elle avait été sa meilleure marionnette!

                La volonté de Léopold de s'enlever la vie tira abondamment

    sur les cordes sensibles de la culpabilité de Nathalie. Elle

    pensa à libérer la porte de sa chaîne, enlacer Léopold et

    l'embrasser pour le consoler.

                Le silence indiquait à Léopold qu'il était sur le point de

    gagner la confiance de son hirondelle d'amour. Il savait si

    bien la manipuler. Un jeu d'enfant.

                Nathalie avança d'un pas.

                Léopold savoura sa victoire.

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  • La vie
    La naissance,
    Le matin de la vie,
    Avec la résonance
    De son premier cri,
    La nécessité
    De déranger
    Pour satisfaire
    Ses besoins primaires.
     
    La jeunesse,
    Le verdissement de la vie,
    Avec les manifestations
    Des ses renvendications!
    L'effronterie
    De brûler toutes les étapes
    Avec des idées pleines de prouesses
    Qui rêvent de nous faire changer de cap.
     
    La quarantaine,
    La mi-temps de la vie,
    Avec la migaine
    De la course débile du boulot,
    Bébé, dodo, bungalow.
    Le sommet de la carrière
    Avec le miroir de ses paradis
    Et la face cachée de ses chimères.
     
    La retraite et la vieillesse.
    Le dernier sprint de la vie,
    Avec le repos du guerrier.
    La maturité de la sagesse
    Que l'on consulte avec appétit.
    Le temps difficile à tuer
    Entre les visites éloingnées
    D'un enfant trop pressé de s'en aller.
     
    La fin du voyage.
    La vie qui bascule sur le rivage
    De la mort,
    Avec l'espoir d'un monde meilleur.
    La vie qui accepte de s'ensevelir
    Au creux des souvenirs
    Des êtres qui pleurent
    La dernière procession du corbillard.
     
    La vie qui nous bouscule
    Comme un chien dans un jeu de quilles,
    Avec ses imprévus et ses détours,
    Du crépuscule
    Jusqu'au dernier souffle.
     
    La vie qui retire les joies sans laisser de restes
    En retour.
    La vie que l'on déteste
    À n'en plus rien savoir.
     
    La vie qui donne des espoirs.
    La vie qui scintille.
    La vie que l'on aime,
    Comme une bonne bouffe
    De fin de carême.
     
     La vie fragile
    Et malhabile,
    Qui nous est prêtée,
    Et qui nous invite à conjuguer
    Des rêves, des gestes, des visages, des coeurs
    Et des petits bonheurs.

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  • Comme un chien dans un jeu de quilles!

    Extrait

     

    Jonathan criait à l'injustice. Il n'avait pas franchi mers et mondes dans l'intention d'être mis chaos au premier round.  Personne ne pouvait s'immiscer contre son droit de visite.  Maintenant qu'il savait sa mère à l'article de la mort, il devait la voir, la toucher, la dorloter, l'entourer...
    -Je veux la voir immédiatement! insista Jonathan.

    L'armoire de muscles déplaça Jonathan dans la mauvaise direction.

    -Ceux qui prennent le droit de disparaître pendant six ans peuvent bien attendre.  D'ailleurs, je trouve l'heure de ton arrivée un peu louche.  De quel droit sors-tu de nulle part juste au moment où ta mère menace de mourir?  Ton apparition sent le courailleux d'héritage.  Il faut avoir du front tout le tour de la tête, pour oser réclamer ta part, après le grabuge que tu nous as fait endurer.  Des sangsues de ton espèce méritent d'être exterminées comme des coquerelles!

    L'héritage!  Le beau-frère déraillait en bibitte!  Si quelqu'un ici couraillait un héritage, ce n'était pas Jonathan.  Il aurait désisté sa part sans hésitation en faveur d'une audience auprès de sa mère.  Il la sentait si proche, si accessible... Sans l'embâcle musclé de son beau-frère, il serait déjà à son chevet...

    -J'ai le droit de voir ma mère.  Jusqu'à preuve du contraire, je fais partie de la famille! indiqua Jonathan.

    La requête de Jonathan sembla alerter la totalité des muscles de son beau-frère.  La brute était sur le point d'éclater comme du pop corn.

    -J'ai l'impression que ton séjour en Europe a déprogrammé la noix de coco qui te sert de cerveau.  Travaille ta mémoire, bonhomme! C'est urgent!  As-tu oublié la mort de ton père?  As-tu oublié le scandale qui a éclaboussé toute ta famille?  La province commence à peine de nous pardonner ta gaffe.  Et tu oses réclamer ton droit d'appartenir à la famille!  Je regrette bonhomme!  Oublie tes liens de parenté.  Retourne d'où tu viens.  J'ai assez vu ta face hypocrite de sainte nitouche. Dégage le plancher. 

    -Je n'ai pas tué mon père, cria Jonathan.

    -Permets-moi de douter de ton innocence.  Les apparences penchent plutôt du côté de ta culpabilité.  Attends que la police te mette le grappin dessus.  Tu ne feras plus le fanfaron, menaça le beau-frère avec un sourire de bourreau.

    -Je te jure que je suis innocent, répéta Jonathan.

    L'insistance déclencha une grimace un peu dégoulinante sur le visage du beau-frère.

    - Arrêtes de mentir.  Ta face hypocrite de sainte-nitouche commence vraiment à me donner envie de vomir.

    Les muscles de la brute entraient en éruption.  Le roulement de son haleine sonnait l'alerte!  Le beau-frère se préparait à charger.  Jonathan ne lâcha pas l'élan de son désir d'effectuer une percée jusqu'à sa mère.  Il voulait tellement voir sa mère et il la verrait coûte que coûte.  Il tenta de bousculer son beau-frère.  D'un seul bond, Goliath acheva de coincer Jonathan contre le mur. Il le hissa doucement vers le plafond.  Les pieds de Jonathan ne touchaient plus le sol.  L'entrée d'oxygène commença à se raréfier.

    Je veux voir ma mère, exigea Jonathan à bout de souffle.

    La requête jeta le dernier baril d'huile sur le feu.

    -C'est mon dernier avertissement, lança le beau-frère.  Tu as le choix entre sortir par tes propres moyens, ou effectuer un vol plané au bout de mes bras.

    Le beau-frère n'y allait pas avec le dos de la cuillère.  Il avait une vocation insoupçonnée de videur de bar.  Avant de battre en retraite, Jonathan risqua un ultime atout.

    -Nathalie, décocha-t-il.  Tu ne peux pas m'empêcher de voir maman!

    Aucun signe de vie.  La silhouette de sa soeur demeura de marbre.  Jonathan poussa un cri télépathique.  Il arma son regard.  Il crispa le peu de muscles solides que la nature lui avait donné.  Sa tactique poussa davantage son beau-frère à resserrer ses crocs.

    -N'insiste pas bonhomme!  Un geste de plus et, je t'écrase comme un puceron, expliqua le beau-frère poussant sa compression à la limite de la rupture des os.

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